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Les Magritte du Cinéma
13e édition - 9 mars 2024

13 février 2023 - 18:03:39

Meilleur scénario 2023: les nominations

Les quatre films en lice cette année dans la catégorie Meilleur scénario se distinguent par leur grande modernité, abordant tous des thématiques très fortes et extrêmement actuelles, couvrant toute la gamme des émotions, des plus douloureuses aux plus douces, de la souffrance à la résilience. Du meurtre sauvage, raciste et homophobe d’\"Animals\" à la pudique histoire d’amour, comme un geste de survie, de \"Nobody Has to Know,\" en passant par la solitude connectée de \"Rien à foutre\" ou le poids du regard des autres dans \"Close\", les scénaristes de cette 12e édition sondent avec talent et savoir-faire les maux de notre époque pour les mettre en mots.
* le texte ci-dessous dévoile certains éléments de scénario qui pourraient constituer des spoilers si vous n’avez pas encore vu les films.

Inspiré d’une histoire vraie qui a fortement marqué les esprits, le meurtre d’Ihsane Jarfi, Animals entraine le spectateur dans un voyage au bout de l’enfer. Le récit se construit puissamment en trois temps. Le premier temps est une entreprise vivante, qui donne à connaître Brahim, qui redonne vie, corps et âme à la victime. On embarque avec lui dans le véhicule qui l’emmène vers sa mort. L’issue forcément sera fatale, personne ne peut l’ignorer, ni le public, ni les meurtriers, et le scénario ne fait pas l’économie de la brutalité et la sauvagerie en action. Ce qui terrasse, ce n’est pas tant la violence que l’indifférence. Ce dont parle Animals, c’est de la fabrique des monstres. Et de l’après. Dans un troisième mouvement sidérant, le film interroge: y’a-t-il une vie après le crime, ou plutôt, comment peut-il y avoir une vie après le crime? Nabil Ben Yadir, déjà nominé dans cette catégorie pour Les Barons et La Marche, s’est associé à Antoine Cuypers, lui-même nominé en 2016 pour Préjudice, afin de trouver le moyen le plus juste, et peut-être le plus percutant de raconter cette histoire aux frontières de l’insoutenable.



Leo et Rémi sont amis pour la vie. Leur futur s’écrit au pluriel, leurs espoirs s’entremêlent. Avec la fin de l’été, se présente à eux une nouvelle aventure, l’école secondaire, celle où devraient s’ouvrir pour eux tous les possibles. Mais soumise au regard des autres, l’amitié charnelle et fusionnelle de Leo et Rémi se voit teintée d’intentions qui lui étaient pourtant étrangères. Elle devient suspecte. Alors pour s’intégrer, Leo va prendre ses distances, sortir du cercle d’amitié qu’il s’était construit avec Rémi. L’ami soudain éconduit, encombrant, ne parvient plus à trouver le regard de son compagnon de toujours, et va s’éloigner, jusqu’à disparaitre. Cette séparation tragique va éveiller en Leo un tourbillon de sentiments contradictoires et trop grands pour lui, qu’il va partager peu à peu avec Sophie, la mère de Rémi, déchirée tout à la fois par son deuil de mère et par la souffrance de Léo, qu’elle considérait comme son fils. Lukas Dhont et Angelo Tijssen font à nouveau des merveilles à l’écriture de Close, 4 ans après leur premier essai, Girl, qui leur avait d’ailleurs valu le Magritte du Meilleur scénario en 2019.



Millie a toujours vécu sur son île, au Nord de l’Écosse. Membre d’une petite communauté, fortement marquée par la religion, elle évolue pourtant en marge de celle-ci, marquée au fer blanc par son célibat. Phil est l’étranger, avec ses mystères et son accent pour seuls bagages. Un jour il est victime d’un AVC, dont il se réveille en ayant perdu la mémoire. Millie y voit une opportunité inespérée, et décide de saisir sa chance, la dernière peut-être. Elle vit seule. Il vit seul. Pourraient-ils vivre seuls, mais ensemble? Millie va prendre en charge avec la discrétion qui la caractérise le retour à la maison de Phil. Elle va profiter de son amnésie soudaine (et vraisemblablement provisoire, se mettant ainsi en danger) pour l’aider à réécrire les derniers chapitres de sa vie, réinventer ses habitudes, récréer des souvenirs. Surtout, Millie va lui raconter qu’ils ont été amants… Avec Nobody Has to Know, Bouli Lanners ose la love story, et livre un touchant portrait de femme, ni vraiment drame, ni vraiment comédie romantique, juste une vraie belle histoire d’amour.



Cassandre, 26 ans, est hôtesse de l’air chez Wing, compagnie low cost. Basée à Lanzarote, elle enchaîne les vols, écume les dance floors, et swipe les hommes sur Tinder comme elle swipe ses journées. En bon petit soldat du monde ubérisé, elle acquiesce et sourit, jusqu’à l’ordre absurde de trop. Car si Cassandre tient tant à s’oublier, c’est qu’elle doit aussi faire un deuil, celui de sa mère, disparue subitement. Pour pouvoir avancer, Cassandre va paradoxalement devoir s’arrêter, et prendre le temps. Le récit change alors de rythme, se déployant dans une seconde partie plus sombre à l’image, mais lumineuse dans les cœurs, où Cassandre quitte son costume, et le maquillage qu’elle porte comme un masque. Elle se pose, s’arrête. Elle discute, recrée du lien, s’interroge. Enfin, entourée de son père et de sa sœur, qui chacun gère la crise à sa façon, elle est prête à faire son deuil. Rien à foutre est le premier long métrage d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, écrit à quatre mains, dans la même urgence que celle de son personnage principal, fruit d’une immersion dans le réel, et un travail au plus près avec leur comédienne.